Thérapie cognitivo-comportementale du trouble dépressif
Vous pouvez obtenir des renseignements sur le site Revivre (C’est au Québec mais vous trouverez des formations à distance, des témoignages et des ressources sur comment affronter la dépression). Pour la France, sur le site www.info-depression.fr vous trouverez des ressources (lieux, contact, téléphone) directement en cliquant ici.
si vous ne souhaitez pas tout lire (c’est un peu long) vous pouvez l’écouter en version audio ci-dessous :
Outils pour pratiquer votre thérapie :
Comprendre la dépression
Il faut distinguer la tristesse normale de la dépression. Bien que désagréable, la tristesse est une émotion normale que nous éprouvons tous à des degrés divers. La tristesse devient problématique lorsque son intensité, sa durée ou sa fréquence sont telles que le fonctionnement de l’individu est affecté et/ou engendre une souffrance importante.
Il est important de comprendre que la tristesse ou d’autres symptômes peuvent être présent dans une grande variété de diagnostics. Il est donc important de bien préciser le diagnostic.
On parle d’épisode dépressif majeur mais si la façon de le nommer peut vous sembler très grave, ce n’est pas le cas car l’épisode peut être léger, moyen ou sévère. Ces épisodes vont souvent se résoudre spontanément mais sans traitement, plus de la moitié des personnes qui se remettent d’un épisode dépressif majeur vont connaitre une rechute.
Les symptômes peuvent varier considérablement d’une personne à l’autre et apparaissent en général graduellement. Au début les symptômes sont occasionnels puis ont tendance à s’installer de manière constante. Les symptômes qui caractérisent l’épisode de dépression sont les suivants :
- Humeur dépressive persistante (tristesse, vide, désespoir)
- Perte d’intérêt ou de plaisir pour presque toutes les activités
- Perte d’appétit ou perte de poids involontaire (parfois augmentation)
- Insomnie (ou hypersomnie)
- Ralentissement des mouvements (ou parfois agitation)
- Fatigue ou manque d’énergie
- Auto-dévalorisassions ou culpabilité excessive
- Difficultés de concentration ou indécision
- Idées de mort ou idées suicidaires récurrentes
Le trouble dépressif majeur se traite et se guérit dans la très grande majorité de cas. Il existe des médicaments très efficaces également des formes de psychothérapie qui donnent d’excellents résultats en particulier la psychothérapie cognitivo-comportementale.
Surmonter vos difficultés
Evaluation par le thérapeute
Votre thérapeute procédera à une évaluation. Il est parfois intimidant d’aborder ses problèmes et de raconter sa vie à un étranger. Cette étape est très importante non seulement pour vous assurer que votre thérapeute vous comprend bien, mais aussi pour tisser le lien de confiance qui vous permettra de vous confier et de vous sentir appuyé dans les moments difficiles.
Prescrire les médicaments si c’est indiqué
Votre médecin pourra vous dire s’il serait souhaitable de prescrire un médicament pour aider le contrôle de la dépression.
Briser l’isolement (activation comportementale)
Cette étape est souvent la plus importante. Nous allons d’abord vous expliquer le rôle de l’apathie et de l’isolement, puis nous verrons comment observer vos activités et l’influence qu’elles ont sur votre humeur. Par la suite, nous décrirons la façon de procéder pour vous réactiver et briser l’isolement.
Comprendre le rôle de l’apathie, de l’isolement et de la fatigue
Le cercle vicieux de l’apathie
L’apathie est un symptôme central de la dépression. Être apathique, c’est être moins actif. Ce symptôme est intimement relié à la perte d’intérêt. Plus la dépression s’accentue, moins la personne qui en souffre aura envie s’adonner à ses activités habituelles. Il n’a plus d’intérêt. Ce manque d’intérêt poussera la personne dépressive à diminuer ses activités. C’est l’apathie. Cette diminution d’activités fera en sorte que la personne aura moins d’occasions d’éprouver de la satisfaction ou du plaisir ce qui va augmenter la dépression.
Le rôle de la fatigue
Posez-vous la question suivante. Que dois-je faire lorsque je me sens fatigué ? La plupart des gens répondront qu’on doit se reposer lorsqu’on est fatigué. Cette croyance est fausse et constitue un des facteurs importants qui maintient ce cercle vicieux.
Voyons deux situations qui démontrent que cette croyance est fausse. Imaginez qu’on vous envoie sur un chantier de construction pendant une journée où vous avez aidé les ouvriers à transporter les matériaux toute la journée. À la fin de la journée, vous allez vraisemblablement vous sentir très fatigué. On vous offre deux possibilités pour corriger cette fatigue, soit 30 minutes de marche rapide ou 30 minutes à écouter votre émission de télé préférée. Lequel va le mieux corriger la fatigue ? Ce sera bien sûr, le repos devant la télévision. Voici pourquoi on croit que le repos est la bonne réponse à la fatigue : parfois, ça fonctionne. Changeons maintenant notre exemple. Vous avez passé toute la journée, du matin au soir, devant la télévision sans interruption. On vous a même apporté vos repas devant la télé. Vous n’avez rien fait d’autre que d’écouter la télé. À la fin de cette journée, vous allez très probablement vous sentir fatigué.
Cette fois, est-ce que ce sera la marche rapide ou une demi-heure de plus de télé qui aidera à diminuer votre fatigue ? C’est la marche rapide qui va corriger la fatigue. Ce que cet exemple nous révèle, c’est que la fatigue n’est pas un signal qui nous indique qu’on a besoin de repos, mais plutôt un signal qu’on a besoin de changer de type d’activités.
On comprend maintenant mieux de quelle façon la fatigue éprouvée dans la dépression nous pousse à davantage d’apathie, ce qui vient accroître la fatigue.
Les muscles « fondent » rapidement lorsqu’ils ne sont pas utilisés. C’est l’atrophie. Vous avez peut-être déjà eu l’occasion d’observer à quel point ce phénomène peut être rapide par exemple lorsqu’une personne se fait retirer un plâtre ou lorsqu’une personne âgée est alitée pour cause de maladie. Cette atrophie des muscles accentue la sensation de faiblesse. C’est pour cette raison qu’il est particulièrement important d’inclure certaines activités physiques dans votre programme de réactivation.
Notons par ailleurs que l’inactivité diminue la qualité du sommeil : on se lève fatigué le matin ce qui diminue notre envie d’être actif pendant la journée. On a plutôt envie d’aller se recoucher ce qui nuit encore là à la qualité du sommeil qui n’est plus réparateur. On suggère donc d’adopter une routine quotidienne qui comprend des heures de lever et de coucher régulières ainsi que des limitations au niveau des heures de siestes.
Par ailleurs, comme l’appétit ou la qualité des aliments choisis peut diminuer lorsqu’on est atteint de dépression, nos apports alimentaires diminuent ce qui accroît le sentiment de fatigue. Il faut donc viser de prendre trois repas par jour ainsi que 2 collations santé pour éviter que la dénutrition n’aggrave la fatigue.
Finalement, l’individu inactif a beaucoup de temps pour penser. Or les recherches ont démontré que les ruminations augmentaient les risques de faire une dépression, augmentaient la durée et l’intensité des symptômes dépressifs. Elles diminuent la capacité à résoudre les problèmes. Or l’accumulation de problèmes peut être une source de stress supplémentaire pour l’individu déprimé…L’activation comportementale permettra donc à l’individu d’éviter de passer ses journées à ressasser ses problèmes et d’amplifier l’humeur dépressive.
Le cercle vicieux de l’isolement
L’isolement est un symptôme central de la dépression. L’isolement consiste à diminuer les contacts avec les personnes qui nous entourent. Ce symptôme est intimement relié à la perte d’intérêt. Plus la dépression s’accentue, moins la personne qui en souffre aura envie de voir les gens. Ce manque d’intérêt et parfois aussi la honte pousseront la personne à s’isoler.
Cet isolement fera en sorte que la personne aura moins d’occasions d’éprouver de la satisfaction ou du plaisir avec ses proches ce qui va augmenter la dépression.
Vous pouvez maintenant mieux comprendre pourquoi, dans les étapes qui suivent, on accorde une si grande importance à la démarche comportementale qui vise à vous aider à vous remettre en action et à briser l’isolement. Cette approche se nomme l’activation comportementale. Elle permet de diminuer la fatigue, d’augmenter l’énergie, de retrouver du plaisir, d’améliorer la motivation, de retrouver des champs d’intérêt, de moins laisser de places aux pensées négatives, bref, de vous sentir mieux et de diminuer vos symptômes dépressifs.
Rien n’est miraculeux. Pour y arriver, vous devrez fournir un effort soutenu et l’amélioration sera graduelle. Vous vous dites peut-être que ce sera trop difficile pour vous. Les pensées négatives de la dépression viennent souvent interférer avec le progrès. À l’étape 3.6, nous allons nous attaquer à ces pensées. D’ici là, essayez de ne pas trop les écouter et d’agir pour vous mobiliser. L’approche décrite ci-dessous vous invite à vous fixer des objectifs réalistes. Il est préférable de progresser lentement et avec persévérance plutôt que de tenter de faire d’énormes progrès irréalistes du jour au lendemain.
Observer la relation qui existe entre vos activités et votre humeur
Nous vous invitons maintenant à noter vos activités. Certaines personnes ont tendance à se dire que c’est inutile parce que de toute façon, elles ne font rien. Lorsqu’on observe attentivement, on va souvent découvrir qu’il y a quand même certaines activités qui procurent un peu de satisfaction ou de plaisir ou qui vont au moins diminuer un peu la tristesse. Même si ce n’est pas le cas, l’observation va vous permettre de mieux comprendre quels sont les obstacles qui vous freinent.
Comment procéder ?
À l’aide du registre d’activité, vous allez noter toutes les activités que vous faites, heure par heure.
N’attendez pas pour le compléter. Il faut remplir la grille au fur et à mesure. Les informations sont beaucoup plus fiables lorsqu’on noterégulièrement, une à trois fois par jour. Intégrez cet exercice à votre routine.
Votre thérapeute vous invitera à coter certains paramètres à côté de chaque activité sur une échelle de 0 à 10 : plaisir (P), maîtrise (M) ou tristesse (T). Mentionnons que la maîtrise ici fait référence au sentiment d’accomplissement. Certaines activités peuvent générer un sentiment d’accomplissement lorsqu’on a fait quelque chose d’utile, et ce même si ce n’est pas très plaisant. Par exemple, une personne qui souffre de dépression et laisse sa vaisselle sale dans le lavabo depuis longtemps serait justifiée d’éprouver une grande satisfaction d’avoir fait sa vaisselle malgré sa fatigue intense et noter un M=9/10, même si elle n’a pas éprouvé un grand plaisir à le faire (P=2/10). Ne sous-estimez pas vos succès. Évitez de vous comparer à d’autres ou à ce que vous faisiez avant la dépression. Évaluez votre succès en fonction de votre état actuel. Il se peut donc que le simple fait d’aller chercher le journal au coin de la rue soit une très grande réussite qui peut mériter un M=9.
Prenez soin de noter aussi les moments où vous n’êtes pas actifs. Vous pourriez, par exemple, écrire : « Regarder la télé : P1, M0, T7. » ou « Étendu sur le canapé : P0, M0,T9. ». Ainsi, la grille sera remplie du lever au coucher.
Après avoir noté vos activités pendant quelques jours, essayez d’observer ce que vous faites qui semble aggraver votre humeur dépressive et ce qui semble la diminuer. Vous pourrez ainsi découvrir des pistes de solution. L’observation va souvent permettre de confirmer que l’apathie augmente la dépression et que les moments un peu plus actifs atténuent la souffrance.
Pendant cette phase d’observation, vous pouvez aussi commencer à vous préparer une liste d’activités qui vous ont déjà plu, qui pourraient vous plaire ou vous donner un sentiment de satisfaction. Vous pouvez les noter sur un bout de papier ou si vous préférez, vous pouvez utiliser la fiche prévue à cette fin
Les activités qui ont du sens pour vous et qui s’inscrivent bien dans votre système de valeurs ont de meilleures chances de vous motiver. Veillez à ce que certaines d’entre elles soient facilement réalisables compte tenu de votre état actuel. Prenez soin aussi de choisir des activités qui vous aideront à augmenter et varier vos contacts sociaux. N’oubliez pas l’activité physique ! C’est un antidépresseur dont l’efficacité est largement démontrée. Choisissez des activités adaptées à votre condition physique et progressez graduellement. Au besoin, consultez votre médecin ou un kinésiologue. Cette liste vous servira d’inspiration à l’étape suivante où vous allez augmenter graduellement votre niveau d’activités.
Augmenter vos activités
Pour vous aider à augmenter graduellement vos activités, il sera important de bien les planifier. Prévoyez un bref moment régulier et quotidien dans votre routine pour planifier votre programme d’activités pour le lendemain. Vous pouvez par exemple le faire au moment où vous complétez votre registre d’activités pour la journée en cours.
Visez un équilibre entre les activités plaisantes et valorisantes. Pensez à choisir des activités qui impliquent des contacts sociaux et des activités physiques. Veillez à ce que cette planification soit réaliste en fonction de votre état actuel.
Mieux vaut en mettre un peu moins dans votre planification pour être bien certain de pouvoir l’accomplir. Passez à l’action sans trop hésiter ou négocier avec vous-même. Comme le plus difficile est de se mettre en action, ces hésitations prolongent la partie la plus pénible, alors qu’une fois l’activité initiée, c’est généralement moins difficile, voire même plus agréable.
Félicitez-vous, récompensez-vous et encouragez-vous. Notez quotidiennement ce que vous faites en continuant votre registre d’activités. Continuez à noter la tristesse, le plaisir ou lamaîtrise selon les recommandations de votre thérapeute. Observez bien l’effet de ces activitéssur votre humeur. Augmentez ensuite très graduellement votre niveau d’activité. Vous pouvezêtre fier de vous si vous avez été un peu plus actif que la semaine précédente. Quand on vadans la bonne direction et qu’on persévère, on peut énormément progresser même si l’onn’avance pas très vite.
Changer les pensées qui vous font souffrir : la démarche cognitive
Nos pensées, nos émotions, nos comportements et les réactions de notre corps sont intimement reliés. Nous avons travaillé sur les comportements avec la démarche comportementale. Maintenant, vous allez être sensibilisé à une approche qui pourrait vous permettre de modifier les pensées qui entretiennent votre dépression. C’est la démarche cognitive. Il existe plusieurs façons de procéder. Dans les paragraphes qui suivent, nous vous présenterons un résumé de ces techniques. Nous vous suggérons de le faire lorsque l’activation comportementale a permis de diminuer les symptômes dépressifs et avec l’aide de votre thérapeute, car ce sont des changements d’habitude difficiles à mettre en place.
Vous pouvez aussi trouver une présentation plus détaillée dans l’ouvrage suivant : Greenberger, D. et Padesky, C. S. : Dépression et anxiété comprendre et surmonter par l’approche cognitive. Efides, 2005.
On procède généralement en suivant les quatre étapes suivantes :
- Comprendre le lien entre les évènements, les pensées, les émotions et les comportements.
- Développer l’habitude de prendre conscience des pensées qui provoquent vos émotions dysfonctionnelles.
- Remettre en question ces pensées puis les remplacer par des pensées plus appropriées. Observer le résultat au niveau des émotions et des comportements.
- On peut ensuite, si le besoin s’en fait sentir, identifier et remettre en question certaines croyances plus profondes.
Cibler les ruminations : la méditation de pleine conscience (mindfulness)
Certaines recherches suggèrent qu’une pratique régulière de méditation ou des
Approches apparentées (MBCT Mindfullness Based Cognitive Therapy for Depression et ACT Acceptance and Commitment Therapy) peuvent être efficace pour traiter la dépression et prévenir les rechutes. Ces approches permettent d’apprendre à gérer les pensées dominantes d’une manière complémentaire et différente de la démarche cognitive classique. On vise ici une prise de distance par rapport à ces pensées. On adopte une position d’observateur ouvert. On apprend à observer les pensées sans y adhérer, ni les ne rejeter ni les juger, simplement les laisser passer. Un peu à la manière dont on observe les nuages qui passent dans le ciel.